Un duo percutant : l’homme parle sans fard de son enfance et de la découverte de sa sexualité, la femme se confie sur son rapport déconcertant à la maternité et à ses origines. Deux êtres, interprété·e·s par Thomas Leblanc et Anna Beaupré Moulounda, se dévoilent crûment, par bribes, donnent parfois à entendre l’indicible. Des textes crus habitent le plateau. La présence des interprètes, proche et franche, les incite à livrer des récits qui nous confrontent à la monstruosité de nos sociétés et de nous-mêmes. Peu importe nos origines culturelles, les morceaux de vies viennent creuser dans les sillons les plus profonds de notre humanité. Loin du cynisme, la mort, le sexe, la violence et la famille sont scrutés en toute intimité et sans pitié.
En 2017, Ana Pfeiffer Quiroz, artiste d’origine péruvienne, met sur pied la compagnie de création Parrêsia avec les deux comédiens de Happy Hour. Dans la Grèce antique, parrêsia fait allusion au droit citoyen d’énoncer une vérité intime sur la place publique, un geste qui comporte une part de risque et nécessite un certain courage. Ce concept, au cœur du développement artistique de la compagnie, s’avère ici parfaitement justifié.
Pourquoi cacher sa laideur ? Dans cette première œuvre signée Parrêsia Compagnie de création, la metteure en scène Ana Pfeiffer Quiroz tire une sève fertile de ses interprètes, Anna Beaupré Moulounda et Thomas Leblanc. Le duo montre à la fois un visage attachant et menaçant, présenté sans pudeur jusqu’à l’apothéose. Une performance empreinte d’humanité.
Happy Hour est un projet scénique qui s’inscrit sur la forme d’une écriture de plateau. La parole intime est la source première du processus de création. Ana Pfeiffer Quiroz favorise le travail de «creusement de soi-même» pour paradoxalement s’éloigner de soi et devenir l’Autre : le personnage. Dans ce processus, deux des notions qui composent le personnage tragique : l’Hybris (la démesure, la passion, le personnage incapable de contrôler son tempérament et qui devient victime de sa propre démesure) et le Pharmakos (l’être qu’on immole pour expier nos fautes) ont accompagné les réflexions de l’artiste. Les récits et la présence des personnages de Happy Hour fouillent dans les endroits les plus sensibles de notre humanité en nous montrant la monstruosité de nos sociétés. Happy Hour devient un voyage à l’intérieur de personnages actuel·le·s et complexes. Des textes crus et d’une urgence émouvante habitent la scène.