En janvier 2022, la cinquième vague de Covid-19 au Québec et la re-fermeture des théâtres forcent l’annulation, sans report, du spectacle 100 secondes avant minuit, une œuvre scénique performative qui s’inscrit dans le cycle trilogique de Pirata Théâtre autour de l’effondrement du vivant, amorcé avec Comment épouser un milliardaire, joué en avril et décembre 2021, et conclu avec L’espèce Fabulatrice, qui sera diffusé en octobre 2023, toujours Aux Écuries. L’équipe de 100 secondes avant minuit travaillait depuis 5 ans sur cette œuvre scénique performative, où l’impuissance mondiale face aux crises engendrées par les changements climatiques rejoignait l’impuissance humaine face à une crise suicidaire. La distribution du spectacle était composée d’acteurs·trices professionnel·le·s et de citoyen·ne·s qui parlent en leur propre nom et dont le vécu réel fait écho aux thématiques du spectacle.
Ce spectacle n’aura et ne sera jamais présenté devant public.
Néanmoins, toute l’équipe de création décide d’occuper la salle de spectacle pendant 3 semaines afin de terminer le spectacle avec l’objectif de réaliser une captation de ce qu’il aurait été. Josué Bertolino, documentariste-vidéaste, suit alors les créateurs et créatrices à travers cette ultime tentative et témoigne de la réalité des artistes en temps de pandémie. L’œuvre qui en résulte trace un portrait des ces trois semaines d’occupation du théâtre au cours desquelles ils·elles réfléchissent aux moyens de transmettre la parole d’un spectacle d’art vivant en l’absence du public, au sens de l’Art dans une société et aux conditions précaires du milieu artistique.
Dans ce huis clos, les créateurs et créatrices sont confronté·e·s à leurs limites émotives et à leurs élans de révolte alors que la grogne et les appels à la dissidence bruissent dans le milieu artistique montréalais. On les voit traverser le deuil du projet alors que passent les moments clés du processus : entrevues avec les journalistes, le jour prévu de la première, celui de la dernière.
L’absurdité et la perte de sens sont à leur comble lorsqu’on annonce la réouverture des salles le 7 février 2022, une semaine trop tard pour eux. Ils·elles auront alors quitté le théâtre.
La fenêtre pour présenter le spectacle et le temps en salle seront pour eux et elles, écoulés.
L’expérience vécue par l’équipe de 100 secondes avant minuit est intense, sans alternative satisfaisante. Cette incursion dans leur réalité résonne intimement avec les thématiques du spectacle qu’ils et elles répètent, sans cesse pendant 21 jours de la marmotte et avec les répercussions de la pandémie sur nos vies. Les frontières sont poreuses, la réalité semble avoir rattrapé le spectacle. Ce moment de repli les pousse à se livrer un à un intimement.
Le film traite de l’impuissance devant les crises et des conséquences du choix de se mettre en mouvement même si la situation semble désespérée.