JAMAIS LU HORS-SÉRIE
Atteinte d’un cancer incurable, Anne décide de ne pas subir les traitements. La pièce s’ouvre alors qu’elle rentre de sa première séance de chimiothérapie, rendez-vous qu’elle a fui à toutes jambes, suivie par son conjoint Gabriel qui essaie tant bien que mal de comprendre sa logique. Au fil et à mesure que progressera la conversation entre les amoureux et les visites d’amis et membres de la famille alertés par Gabriel, on découvrira la vision désespérée de Anne vis-à-vis son époque, son sentiment de culpabilité et sa fatigue. Anne prendra conscience, lors de l’ultime visite de la journée : sa fille de quatre ans qui passait la journée chez sa tante pour le premier traitement, qu’elle caresse l’espoir que sa mort devienne un geste fort qui saisira l’imaginaire collectif qui extrairait des foules de l’immobilisme et du confort : un sacrifice pour qu’il y ait une suite au monde.
Il y a six ans, ma mère a décidé de changer de vie. Elle habiterait dorénavant dans une nouvelle ville, dans une nouvelle maison.
Quelques semaines avant sa fuite, elle était venue chez moi et elle m’avait donné une valise. À l’intérieur de celle-ci, il y avait une robe, des souliers de jeune fille, une silhouette d’elle découpée dans du papier par un artiste ambulant et son vieux manuel de couture. Elle m’a dit que c’était tout ce qui restait de son passé, qu’elle voulait laisser ses objets entre bonnes mains et qu’un jour, peut-être, je saurais en faire quelque chose.
Suite à sa disparition, j’ai commencé à me questionner sur mes origines et à récolter des indices pour sauver les souvenirs que ma mère a voulu effacer. J’ai commencé par fouiller de fond en comble la maison familiale. J’ai réalisé que cette maison était maintenant parsemée de trous de mémoire. Dans les tiroirs, il ne restait que quelques vêtements de ma mère. Certains meubles étaient disparus. Sur les murs, il manquait des cadres et dans les albums de famille plusieurs photos avaient été enlevées. Un seul album est resté intact : celui du mariage de mes parents.
Les objets restants et ceux qui sont disparus sont la matière qui sera exploitée dans cette création. Ils me permettront de raconter l’histoire de ma mère et, par le fait même, trouver les mots qu’elle n’a jamais eus pour s’exprimer. En prenant la parole, j’offre une voix à ma mère, mais aussi à de nombreuses femmes de cette génération.
Une femme vêtue d’un pyjama jaune en soie est retrouvée morte dans un tuyau en béton. Défigurée, non-identifiable, elle porte le nom de Pyjama Girl et renaît pour prendre la parole. Deux autres femmes, Anna et Linda, disparues et oubliées, revivent elles aussi. À trois, elles essayeront de (re)construire leur propre histoire, de (re)prendre leur place dans un monde qui les a fait disparaître.
Librement inspiré d’un fait divers survenu en 1934, Pyjama Girl explore le corps sensible, l’expérience de la douleur et la prise de parole, tout en dénonçant les différentes formes de violence faites aux femmes.
Dirigé par Marcelle Dubois, le Jamais Lu a pour mission de créer un lien fort entre le public et les auteurs d’aujourd’hui en offrant aux dramaturges des tribunes originales, engagées et festives. L’organisme œuvre par ailleurs au développement de la dramaturgie québécoise, canadienne et internationale en produisant chaque année un festival à Montréal, à Québec et à Paris. Pensées par des metteurs en scène et interprétées par des comédiens, les lectures théâtrales qui y sont présentées font jaillir des langues, des formes et des styles très variés et empreints d’une envie commune : celle d’interroger, au moyen de la fiction, le monde dans lequel nous vivons.